Aller au contenu

Comment DALKIA a vendu sa thalassothermie.

Pour faire adhérer les copropriétés à son projet thalassothermie, DALKIA a délibérément truqué les bilans économiques pour faire croire que sa solution serait moins chère.

Le “BUNKER” DALKIA en construction sur l’esplanade Maurice Justin

Le choix du mot “thalassothermie”

Les mots sont importants. Le néologisme thalassothermie renvoie au mot géothermie qui désigne la production de chaleur à partir de gisements d’eau chaude ou très chaude plus ou moins profonds. Par extension le terme géothermie est aussi utilisé pour désigner des échangeurs de chaleur de surface enterrés à faible profondeur utilisés comme source froide (l’été) ou source chaude (l’hiver) de ces pompes à chaleur. La thalassothermie s’apparente à cette géothermie de surface en ce sens qu’elle recueille pas de l’eau très chaude venant de sources chaudes en profondeur, mais seulement de l’eau plus ou moins tiède captée à proximité de la surface.

Est-ce que la mer va chauffer les immeubles ?

Par un raccourci habile, DALKIA a persuadé beaucoup de naïfs que c’était la mer qui allait chauffer les immeubles. Beaucoup ont pris cette affirmation au premier degré. En réalité, la thalassothermie façon DALKIA n’est ni plus ni moins qu’un ensemble de pompes à chaleur de type eau-eau, dont le circuit primaire est une boucle d’eau tempérée qui échange des calories avec l’eau de mer. Dire que c’est la mer qui chauffe les immeubles, c’est comme si on prétendait que dans une pompe à chaleur air-air, un climatiseur réversible par exemple, c’est l’air extérieur qui refroidit ou qui chauffe les appartements.

La thalassothermie a-t-elle de l’avenir ?

Il n’y a pas, dans le système DALKIA, d’innovation technologique. Passé l’effet d’annonce entourant la thalassothermie, l’énergie des mers et des océans, une énergie propre et intarissable, le faible impact écologique, les milliers de tonnes de CO2 économisées, on se rend vite compte que DALKIA ne fait que louer des pompes à chaleur.

Vers une thalassothermie au rabais

Sur son site web, https://www.dalkia.fr/, DALKIA indique que l’eau est captée à une profondeur de 5 à 10 mètres en zone littorale, à une température comprise entre 12 et 25 °C. À la Grande Motte, pour des raisons d’économie, l’eau est captée dans le port, à une très faible profondeur, probablement inférieure à 3 mètres, là où elle se refroidit beaucoup en hiver et se réchauffe beaucoup en été. C’est un système au rabais. DALKIA en est conscient au point qu’il a prévu de réchauffer l’eau de sa boucle d’eau tiède grâce à des chaudières à gaz. Le bunker édifié sur l’esplanade Maurice Justin n’est pas qu’une station de pompage, c’est aussi une chaufferie au gaz ! DALKIA dissimule volontairement cette information.

Sans subventions, la thalassothermie ne serait pas rentable

Le projet DALKIA n’est ni rentable ni compétitif par rapport à d’autres solutions de chauffage ou de climatisation car il mobilise des infrastructures lourdes : station de pompage, chaufferie à gaz, réseaux de canalisations enterrées, pompes de circulation énergivores… Tout un tas de choses dont une pompe à chaleur air-air ou air-eau n’aurait pas besoin.

Pour rentabiliser son projet, DALKIA a utilisé plusieurs leviers :

  • un financement par l’ADEME,
  • un financement de la région,
  • une délégation de service public de la mairie de La Grande Motte,
  • la participation de la ville à la réparation de la chaussée après le déploiement des canalisations,
  • une promesse de l’Etat d’abaisser la TVA à 5,5%.

Comment DALKIA a menti pour faire adhérer les copropriétés

Au départ, la thalassothermie a été retenue par la ville de La Grande Motte pour alimenter les constructions d’un important projet ville port qui ne verra le jour que sous un format réduit : “la colline” à l’emplacement du magasin Lidl. A lui seul, le projet ville port devait rentabiliser les investissements de DALKIA. Le projet ayant été drastiquement réduit, DALKIA a été contraint de se tourner vers les copropriétés existantes pour les convaincre de raccorder leurs immeubles.

Un problème a surgi immédiatement :

  • les copropriétés anciennes ont amorti depuis longtemps leurs installations de chauffage et les coûts du chauffage et de l’eau chaude sanitaire ne dépendent que des prix du gaz et du nombre de m3 consommés,
  • dans la solution DALKIA, les coûts fixes, qui correspondent à l’amortissement des installations, sont proportionnels à la puissance installée, et représentent beaucoup plus que les coûts des fournitures de froid ou de chaleur.

De fait les comparaisons économiques montraient de façon évidente que la solution DALKIA était beaucoup plus chère que ce que payaient les copropriétaires avec leurs installations actuelles.

Mais DALKIA n’a pas tardé à trouver une solution et a présenté un tableau comparant les coûts actuels et une projection des coûts avec la thalassothermie.

La supercherie repose sur le fait que les consommations en MWh de chauffage et d’eau chaude sont absentes des colonnes de gauche et ne permettent pas la comparaison avec les chiffres qui figurent à droite, chauffage 271 MWh et eau chaude 273 MWh, comme sur cet exemple :

Les quantités n’étant pas affichées dans les colonnes de gauche, la plupart des copropriétaires imaginent qu’elles sont les mêmes à gauche et à droite.

Connaissant P1, le prix d’achat du gaz, au prix que DALKIA le commercialise, il est facile d’estimer les consommations chauffage et ECS en divisant les coûts de chauffage et d’ECS en € par le prix du gaz en €/MWh.

Dans l’exemple précédent, les consommations calculées, 933 MWh et 387 MWh, sont très éloignées des consommations prises en compte dans le projet thalassothermie, à savoir 271 MWh et 271 MWh :

Si on ne compare pas les consommations prises en compte, on pourrait penser que la thalassothermie serait moins chère.

Mais nous venons de voir que DALKIA a triché et pris en compte des consommations deux fois moins importantes dans la situation future que dans la situation actuelle, personne ne s’en est aperçu parce que les consommations n’étaient pas indiquées dans les tableaux de gauche, mais surtout parce que les commerciaux de DALKIA venus présenter le projet ont très peu insisté sur ces tableaux, préférant mettre en  avant des arguments tels que :

  • DALKIA étant une filiale d’EDF est quasiment un service public,
  • la délégation de service public perçue par beaucoup comme une obligation incontournable de se raccorder au réseau et de souscrire à la police d’abonnement,
  • l’idée que la mer allait chauffer les immeubles, au point que beaucoup n’ont pas réalisé que la chaleur serait produite par des chaudières à gaz et des pompes à chaleur,
  • la perspective d’adhérer à un projet d’avenir appelé à se développer, écologique, vertueux et d’éviter de produire des milliers de tonnes de CO2.

C’est la preuve qu’un bon commercial peut vendre n’importe quoi !

Cependant, selon les dispositions de l’article L. 441-1 du Code de la consommation, le délit de tromperie est puni de 600 000 € d’amende et de 5 ans de détention.

1 commentaire pour “Comment DALKIA a vendu sa thalassothermie.”

  1. Excellent article. On ne peut mieux résumer et expliquer ce qu’est cette “thalassothermie” ou géothermie marine. Si c’était aussi intéressant comme “source d’énergie”, chauffage, climatisation, et bon pour la planète… La Grande Motte serait sur liste d’attente pour s’y raccorder. Hélas, maintenant les travaux sont en route, ceux qui s’y raccorderont seront seuls juges des résultats. Notre grande pyramide, n’est pas du tout adaptée, par sa forme très particulière, aux modes de chauffage ou refroidissement collectifs. D’autant que de très nombreux appartements, les 2/3, ne sont pas occupés en permanence.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.