La thalassothermie, qu’est-ce que c’est ?
La thalassothermie est un néologisme flatteur, inspiré de la géothermie, une technique utilisée depuis des millénaires, qui consiste à chauffer de l’eau ou des bâtiments en faisant circuler un fluide dans les profondeurs de la terre, sans autre apport de chaleur.
La thalassothermie utilise de l’eau de mer puisée à plusieurs mètres de profondeur pour la refroidir dans un échangeur, avant de la rejeter au large. Cet échangeur est constitutif d’une pompe à chaleur qui permet de chauffer des immeubles ou de l’eau chaude sanitaire.
Grâce à ce joli mot, grâce à sa connotation et grâce à son opiniâtreté, la société Dalkia a réussi à convaincre le maire de La Grande Motte de lui octroyer une délégation de service public afin de déployer ses installations (ce qui a permis au maire de reverdir sa ligne politique) et à persuader les syndics de copropriété de convoquer des assemblées générales extraordinaires où des commerciaux de Dalkia, en faisant miroiter des économies de charges de chauffage n’ont eu aucune difficulté à convaincre des copropriétaires crédules.
La thalassothermie selon Dalkia
Le schéma suivant présente “massileo”, c’est après “thalasseo”, mis en service en 2018 par engie, le deuxième projet de thalassothermie à Marseille, déployé cette fois-ci par Dalkia. Le système déployé à La Grande Motte sera semblable à celui de Marseille.
Contrairement à thalassothermie d’engie où une seule centrale implantée dans le port assure le pompage de l’eau de mer et la production de chaleur, dans le système Dalkia, une centrale de production sera installée dans chaque immeuble.
L’impact pour les copropriétés est beaucoup plus lourd, en termes de place car il faut construire un local pour abriter la centrale de production, à moins qu’elle puisse être installée dans le local chaufferie existant, mais dans ce cas, cela nécessitera d’envoyer à la casse les chaudières existantes souvent récentes et en bon état. Ce démantèlement n’est pas compris dans l’offre Dalkia, il faudra le payer en plus.
Un autre point négatif est le bruit généré par les pompes à chaleur, un niveau sonore bien plus élevé qu’un brûleur de chaudière à gaz !
La stratégie commerciale de Dalkia
Regardez-bien ces deux vidéos, consacrées à la géothermie et à la thalassothermie :
En regardant cette deuxième vidéo, on a l’impression que l’eau de mer chauffe directement les habitations. Comme le ferait une centrale géothermique. Où sont les pompes à chaleur ? Dalkia entretient à dessin le mystère sur ses équipements afin de d’éviter que ses clients ne comprennent qu’une une usine électrique va être installée dans chaque copropriété.
La thalassothermie n’est qu’un système de chauffage parmi d’autres
La thalassothermie est une des solutions qui permettent de réduire la consommation d’énergie primaire et donc l’empreinte carbone.
Mais le retour d’expérience sur la thalassothermie est inexistant. Au niveau mondial c’est une solution anecdotique. DALKIA veut être le pionnier en France et se bat pour le devenir.
Mais sa solution présente plus de risques que d’avantages pour les copropriétés :
1) le démantèlement d’installations de chauffage existantes parfois récentes et pas toujours amorties,
2) une offre basée sur des prix de l’électricité qui risquent d’évoluer beaucoup plus vite que ceux du gaz,
3) un engagement de 15 ans qui interdit d’opter pour une autre solution de chauffage plus innovante ou plus intéressante.
Car d’autres solutions existent et beaucoup d’autres vont émerger.
Aujourd’hui, la solution de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire la moins chère, celle qui est déployée dans les constructions neuves, est une isolation thermique aux normes actuelles associée à un chauffage et à une production d’eau chaude individuels. A la Grande Motte, plusieurs copropriétés ont déjà décidé de se libérer du chauffage et de l’eau chaude collectifs.
Pour les copropriétés attachées à conserver un système collectif, d’autres solutions que la thalassothermie existent, de nouvelles techniques voient le jour sans arrêt : la cogénération, les pompes à chaleur aérothermiques à absorption gaz naturel, les pompes à chaleur air-eau, air-air, géothermie-eau, géothermie-air, mais surtout le chauffage individuel associé à un renforcement de l’isolation thermique.
La Grande Pyramide n’est pas adaptée à la thalassothermie
La thalassothermie est un système de chauffage et de climatisation parfaitement adapté à des échangeurs air/eau qui permettent de distribuer de la chaleur ou du froid selon la saison.
Mais à la Grande Pyramide, nous ne pourrons pas bénéficier de la climatisation en été.
Et en hiver la thalassothermie ne servira qu’à chauffer des planchers dont la conception dépassée remonte aux années 70 et qui ne permettent ni une répartition homogène de la chaleur ni un comptage individuel.
L’espérance de vie des tuyaux en acier de ces planchers chauffants est si incertaine que DALKIA a inclus dans son offre une clause de retrait en cas de rupture des canalisations en cours de contrat.
La thalassothermie de Dalkia, une solution au rabais
La station de pompage de Dalkia va être installée dans le port de La Grande Motte, avec une prise d’eau à 3 mètres de profondeur, là où l’eau en hiver est beaucoup plus froide qu’en profondeur. Il faut savoir que la profondeur des puisages recommandée pour une installation de thalassothermie est d’au moins une dizaine de mètres. Contrairement à Thassalia, la première centrale française de géothermie marine mise en service en 2016 par engie, où l’eau chaude et l’eau froide (en été) produites par la centrale sont acheminées jusqu’aux immeubles, la solution Dalkia implique de démanteler les installations de chauffage existantes (aux frais des copropriétaires) pour les remplacer par des pompes à chaleur dont les frais d’installation sont à la charge des copropriétaires qui les rembourseront pendant les 15 ans de leur contrat d’abonnement.
La thalassothermie plus chère que le chauffage au gaz
Depuis plus d’un an Dalkia revendique une économie de 15% sur les factures des abonnés raccordés à la thalassothermie par rapport à ceux chauffés au gaz. Mais la comparaison est basée sur les prix du gaz qui étaient au plus haut et sur les prix de l’électricité qui n’avaient pas encore augmenté.
Depuis cette promesse de 20% d’économies, les prix de l’électricité ont augmenté de 15% au mois d’août et vont augmenter de 10% au mois de janvier, ce qui correspond à une hausse cumulée de 26,5%. Avec le remplacement de la flotte de voitures thermiques par des voitures électriques, avec l’extension des transports urbains fonctionnant à l’électricité, la hausse des prix est inéluctable et sera plus forte que l’inflation pendant au moins les dix prochaines années, car aucun projet de réacteur nucléaire n’est lancé ni à l’étude.
Or le prix de la chaleur vendue par Dalkia est indexé sur les prix de l’électricité.
La réduction de facture de 15%, si elle était vraie il y a deux ans lors de la crise sur le gaz liée à la guerre en Ukraine, ne l’est plus aujourd’hui, et en réalité la thalassothermie entraînera une forte hausse des charges pour les copropriétés équipées de chaufferies au gaz amorties.
La seule configuration où la thalassothermie est rentable concerne les logements en construction (et bien isolés) où la thalassothermie apportera une solution de chauffage, d’eau chaude sanitaire et de climatisation intégrée aux nouvelles installations.
Mais pour des immeubles comme La Grande Pyramide, mal isolés et incompatibles avec la climatisation en été, n’auront rien à gagner mais tout à perdre dans l’opération. Ce sont eux qui vont financer les rêves du maire et l’ambition de Dalkia.
Même Dalkia n’est pas certain que son projet sera rentable, car dans l’article du Midi Libre du 18 décembre 2023, à propos du point d’équilibre du retour sur l’investissement des 5,1 M€ engagés, Fabrice Tenneson de Dalkia reste évasif : “De toute façon, on sera sur un payback long.”